jeudi 22 octobre 2015

anneaux des germes de fonctions

C'est un sujet que je n'ai jamais eu l'occasion d'aborder pendant mes études de mathématiques, et c'est bien dommage car les ensembles de fonctions ou d'applications  ont des structures  algébriques  souvent intéressantes et qui permettent de varier les exemples de groupes, anneaux, algèbres et autres espaces vectoriel.  Voici une petites compilation de faits simples sur les anneaux de fonctions et de germes, découverts  aux détours d'une conversation avec un collègue twitto ...


Rappels sur les anneaux

Pour commencer rappelons qu'un anneau est  un ensemble A muni de deux opérations + et $\times$ telles que
  • (A,+)  est un groupe commutatif (de neutre noté 0)
  • $\times$ est une opération interne sur A distributive par rapport à +
Les sous-ensembles $I\subset A$ d'un anneau qui sont des sous-groupes de $A,+)$ stables par $\times $ sont appelés des ideaux (bilatères). Certaines propriétés sont importantes par exemple :
  • I est maximal s'il n'est contenu dans aucun autre idéal à part A
  • I est premier si $x\times y\in I\Rightarrow x\in I~ou~y\in I$ 
Ces ensembles permettent de créer de nouveaux anneaux en construisant le quotient de A par la relation d'équivalence :
$$x\sim y\Leftrightarrow \exists z\in I,~~x=y+ z \Leftrightarrow x-y\in I$$
Les propriétés de $A/\sim$ (noté généralement $A/I$)  découlent des propriétés de $I$. Par exemple :
  • si I est maximal alors  A/I  est un corps
  • si I est premier alors A/I est intègre ($a\times b=0\Rightarrow a=0~ou~b=0$)
Les morphismes d'anneaux  sont des applications $\phi: A\rightarrow B$  entre deux anneau $(A,+,\times)$ et  $(B,+,\times)$  qui doivent vérifier :
$$\forall x,y\in A,~~ \phi(x+y)=\phi(x)+\phi(y)~~et~~ \phi(x\times y)=\phi(x)\times \phi(y)$$
Ils permettent de comparer  différentes structures d'anneaux, et de les identifier entre elles  quand $\phi$ est bijective (isomorphisme). En particulier les noyaux et images de $\phi$ sont des idéaux :
$${\rm ker}(\phi)=\{x\in A\vert \phi(x)=0\}~~et~~{\rm im}(\phi)=\{y\in B\vert \exists x\in A,~\phi(x)=y\}$$
et l'anneau $A/{\rm ker}(\phi)$ est isomorphe à ${\rm im}(\phi)$.

Anneaux de fonctions


L'ensemble F des fonctions sur un  ensemble E et à valeurs dans un corps ${\mathbb K}$ est un anneau pour les opérations usuelles d'addition (+) et de multiplication ($\times$) des fonctions , d'élément neutres
  •  la fonction nulle (notée 0) pour + : $f(x)=0,\forall x\in E$
  •  la fonction caractéristique de E (notée 1) pour $\times$ : $f(x)=1,\forall x\in E$
 On peut remarquer qu'en chaque point $x_0\in E$ on a un morphisme   d'anneau (surjectif) de $(F,+,\times)$  dans $({\mathbb K},+,\times)$  défini par $ \phi(f)=f(x_0)$. Son noyau est  l'ensemble des fonctions qui s'annulent au point $x_0$ qui  est un idéal maximal . Par exemple pour l'anneau des fonctions $C^\infty({\mathbb R})$ à valeur dans $\mathbb R$ on voit que cet idéal I est maximal  puisque on peut toujours décomposer
$$f(x)=f(x_0)+\underbrace{(f(x)-f(x_0))}_{=g(x)\in {\rm ker}(\phi)}$$
Donc dès qu'on ajoute ne serait ce qu'une fonction constante à l'idéal ${\rm ker}(\phi)$ on récupère tout l'anneau F. Résultat l'anneau quotient est un corps qui n'est autre ${\rm im}(\phi)={\mathbb R}$ lui même ! On peut aussi montrer que cet idéal s'écrit $I=x  C^\infty({\mathbb R})=(x)$ (en utilisant une formule de Taylor avec reste intégrale). Un autre morphisme intéressant dans ce cas est celui qui associe à une fonction f sa série de Taylor. Prenons le cas de la série de Taylor en $x=0$  :
$$\varphi(f)=\sum_{k=0}^\infty {f^{(k)}(0)\over k!} x^k$$

$\varphi$ est à valeur dans l'anneau des séries formelles , qui est bien un anneau une fois muni des lois + et *  la convolution des séries formelles :
$$\varphi(f+g)=\sum_{k=0}^\infty {f^{(k)}(0)+g^{(k)}(0)\over k!} x^k,~\varphi(f\times g)=\sum_{k=0}^\infty \underbrace{{\left(f\times g\right)^{(k)}(0)\over k!}}_{= \sum{i+j=k}{f^{(i)}(0)\over i!}{f^{(j)}(0)\over j!}} x^k $$
Ce morphisme n'est pas injectif  et son noyau  est constitué des fonctions "plates" en 0  (comme $f(x)= e^{-1/\vert x\vert }$). On en déduit directement que l'anneau des séries formelles est isomorphe à $C^\infty({\mathbb R})/{\rm ker}(\varphi)=$"les fonctions $C^\infty({\mathbb R})$ quotienté par l'idéal des fonctions plates" . En conséquence l'idéal des fonctions plates n'est  certainement pas maximal, puisque les séries formelles ne forment pas un corps.

Anneau de germes

Soit un ensemble de fonctions  $F\subset \{f:E\rightarrow {\mathbb K}\}$  et un point $x_0\in E$ alors l'ensemble des germes en $x_0$ sur $F$ est  l'ensemble quotient $F/\equiv$ obtenu à l'aide de la relation d'équivalence
$$f\equiv g\Longleftrightarrow  \exists U\subset E,\, \text{ouvert contenant } x_0,\, f(x)=g(x),\, \forall x\in U$$
On obtient un nouvel anneau associé  dont les éléments, notés $\overline{f}$,  sont des classes de fonctions toutes équivalentes à $f$. Les opérations + et $\times$ sont définies sur $F/\equiv$ par :
  •  $\overline{f}+\overline{g}=\overline{f+g}$
  • $\overline{f}\times \overline{g}=\overline{f\times g}$

les deux opérations passent bien au quotient car  si $f(x)=u(x),\forall x\in U$  et $g(x)=v(x),\forall x\in V$  on aura bien 
$$ f(x)+g(x)=u(x)+v(x)~~et ~~ f(x)\times g(x)=u(x)\times v(x),~\forall x\in U\cap V$$
sur un voisinage ouvert de $x_0$  contenu dans U et V mais éventuellement   plus petit $U\cap V$. Suivant les cas, le nouvel anneau obtenu peut avoir une structure très riche.


Dans le cas de l'anneau A des fonctions analytiques sur ${\mathbb C}$ (donc holomorphes),  le morphisme de A vers les séries formelles a pour image les séries formelles est forcément injectif car
$$\varphi(f)=\sum_{k=0}^\infty 0 z^k\Rightarrow f(z)=0 ,\forall z\in {\mathbb C}$$
l'anneau des germes de fonctions analytiques en 0 s'identifie donc exactement avec ${\rm im}(\varphi)$ donc aux séries formelles de rayon de convergence $>0$ !

Pour l'anneau des fonctions $C^\infty({\mathbb R})$ à valeur dans $\mathbb R$ les choses sont plus compliquées. En effet en prenant les fonctions :
  •  $f(x)=\exp(-1/x)$  prolongée par 0 pour $x<0$
  •  $g(x)=\exp(1/x)$  prolongée par 0 pour $x>0$
on constate que f et g ne peuvent avoir le même germe car sur tout voisinage de 0 on a $f(x)\neq g(x)$ (l'une est nulle et l'autre pas) pourtant ces deux fonctions ont la même série formelle $\varphi(f)=\varphi(g)$. Cela montre que l'ensemble des germes  de fonctions $C^\infty$ est bien plus gros que celui des séries formelles. Au passage on en déduit que l'anneau des germes $C^\infty$ ne peut pas être intègre puisque
$$\overline{f}\times \overline{g}=\overline{f\times g}=\overline{ 0}~~et~~ \overline{f}\neq0\neq \overline{g}$$
Le noyau  du morphisme de $C^\infty({\mathbb R})$ vers $C^\infty({\mathbb R})/\sim$  est constitué de fonctions nulles sur un voisinage de 0  qui n'est donc ni maximal (sinon le quotient donnerait un corps)  ni premier  (le quotient serait intègre). En fait cet idéal est strictement inclus dans celui des fonctions "plates" à l'origine.




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Pour écrire des formules mathématiques vous pouvez utiliser la syntaxe latex en mettant vos formules entre des "dollars" $ \$....\$ $ par exemple :
- $\sum_{n=1}^\infty {1\over n^2}={\pi^2\over 6}$ s'obtient avec \sum_{n=1}^\infty {1\over n^2}={\pi^2\over 6}
- $\mathbb R$ s'obtient avec {\mathbb R} et $\mathcal D$ s'obtient avec {\mathcal D}
- pour les crochets $\langle .,. \rangle$ dans les commentaires utilisez \langle .,. \rangle
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